Ce qu’enseigne VRAIMENT l’Eglise sur l’euthanasie

Dans cet article nous proposons d’examiner l’enseignement officiel de l’Eglise catholique sur la question de l’euthanasie et du suicide assisté. L’encyclique Evangelum Vitae (65-72) est le texte officiel le plus développé à ce sujet.

Archarnement thérapeutique

L’encyclique commence par distinguer l’euthanasie de l’acharnement thérapeutique : « Il faut distinguer de l’euthanasie la décision de renoncer à ce qu’on appelle l’« acharnement thérapeutique », c’est-à-dire à certaines interventions médicales qui ne conviennent plus à la situation réelle du malade, parce qu’elles sont désormais disproportionnées par rapport aux résultats que l’on pourrait espérer ou encore parce qu’elles sont trop lourdes pour lui et pour sa famille. Dans ces situations, lorsque la mort s’annonce imminente et inévitable, on peut en conscience « renoncer à des traitements qui ne procureraient qu’un sursis précaire et pénible de la vie, sans interrompre pourtant les soins normaux dus au malade en pareil cas ». Il est certain que l’obligation morale de se soigner et de se faire soigner existe, mais cette obligation doit être confrontée aux situations concrètes; c’est-à-dire qu’il faut déterminer si les moyens thérapeutiques dont on dispose sont objectivement en proportion avec les perspectives d’amélioration. Le renoncement à des moyens extraordinaires ou disproportionnés n’est pas équivalent au suicide ou à l’euthanasie; il traduit plutôt l’acceptation de la condition humaine devant la mort. » (EV 65)

Soins palliatifs

L’encyclique poursuit en faisant la promotion des soins palliatifs :

« Dans la médecine moderne, ce qu’on appelle les « soins palliatifs » prend une particulière importance; ces soins sont destinés à rendre la souffrance plus supportable dans la phase finale de la maladie et à rendre possible en même temps pour le patient un accompagnement humain approprié. Dans ce cadre se situe, entre autres, le problème de la licéité du recours aux divers types d’analgésiques et de sédatifs pour soulager la douleur du malade, lorsque leur usage comporte le risque d’abréger sa vie. De fait, si l’on peut juger digne d’éloge la personne qui accepte volontairement de souffrir en renonçant à des interventions anti-douleur pour garder toute sa lucidité et, si elle est croyante, pour participer de manière consciente à la Passion du Seigneur, un tel comportement « héroïque » ne peut être considéré comme un devoir pour tous. Pie XII avait déjà déclaré qu’il est licite de supprimer la douleur au moyen de narcotiques, même avec pour effet d’amoindrir la conscience et d’abréger la vie, « s’il n’existe pas d’autres moyens, et si, dans les circonstances données, cela n’empêche pas l’accomplissement d’autres devoirs religieux et moraux ». Dans ce cas, en effet, la mort n’est pas voulue ou recherchée, bien que pour des motifs raisonnables on en court le risque: on veut simplement atténuer la douleur de manière efficace en recourant aux analgésiques dont la médecine permet de disposer. » (EV 65)

Enfin, l’encyclique énonce une déclaration finale solennelle condamnant infailliblement l’euthanasie :« Ces distinctions étant faites, en conformité avec le Magistère de mes Prédécesseurs et en communion avec les Evêques de l’Eglise catholique, je confirme que l’euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d’une personne humaine. Cette doctrine est fondée sur la loi naturelle et sur la Parole de Dieu écrite; elle est transmise par la Tradition de l’Eglise et enseignée par le Magistère ordinaire et universel. Une telle pratique comporte, suivant les circonstances, la malice propre au suicide ou à l’homicide. » (Evangelum Vitae 65)

Le meurtre direct et intentionnel d’un innocent est toujours immoral et devrait être illégal

De manière générale, l’Eglise condamne toute pratique qui vise à tuer directement et volontairement un être humain innocent. Cela est merveilleusement exprimé dans la formulation suivante de Jean Paul II :

« Si l’on doit accorder une attention aussi grande au respect de toute vie, même de celle du coupable et de l’injuste agresseur, le commandement « tu ne tueras pas » a une valeur absolue quand il se réfère à la personne innocente. Et ceci d’autant plus qu’il s’agit d’un être humain faible et sans défense, qui ne trouve que dans le caractère absolu du commandement de Dieu une défense radicale face à l’arbitraire et à l’abus de pouvoir d’autrui. En effet, l’inviolabilité absolue de la vie humaine innocente est une vérité morale explicitement enseignée dans la Sainte Ecriture, constamment maintenue dans la Tradition de l’Eglise et unanimement proposée par le Magistère. Cette unanimité est un fruit évident du « sens surnaturel de la foi » qui, suscité et soutenu par l’Esprit Saint, garantit le peuple de Dieu de l’erreur, lorsqu’elle « apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel » […] Par conséquent, avec l’autorité conférée par le Christ à Pierre et à ses Successeurs, en communion avec tous les évêques de l’Eglise catholique, je confirme que tuer directement et volontairement un être humain innocent est toujours gravement immoral. Cette doctrine, fondée sur la loi non écrite que tout homme découvre dans son cœur à la lumière de la raison (cf. Rm 2, 14-15), est réaffirmée par la Sainte Ecriture, transmise par la Tradition de l’Église et enseignée par le Magistère ordinaire et universel.  La décision délibérée de priver un être humain innocent de sa vie est toujours mauvaise du point de vue moral et ne peut jamais être licite, ni comme fin, ni comme moyen en vue d’une fin bonne. En effet, c’est une grave désobéissance à la loi morale, plus encore à Dieu lui-même, qui en est l’auteur et le garant; cela contredit les vertus fondamentales de la justice et de la charité. Rien ni personne ne peut autoriser que l’on donne la mort à un être humain innocent, fœtus ou embryon, enfant ou adulte, vieillard, malade incurable ou agonisant. Personne ne peut demander ce geste homicide pour soi ou pour un autre confié à sa responsabilité, ni même y consentir, explicitement ou non. Aucune autorité ne peut légitimement l’imposer, ni même l’autoriser » (Evangelum Vitae 57)

Contre la légalisation juridique

Non seulement l’Eglise s’oppose à l’euthanasie au plan moral, mais elle enseigne aussi que les états ont le devoir de rendre celle-ci illégale. Elle ne saurait avoir légitimation juridique en aucun cas :

« La loi civile doit assurer à tous les membres de la société le respect de certains droits fondamentaux, qui appartiennent originellement à la personne et que n’importe quelle loi positive doit reconnaître et garantir. Premier et fondamental entre tous, le droit inviolable à la vie de tout être humain innocent. Si les pouvoirs publics peuvent parfois renoncer à réprimer ce qui provoquerait, par son interdiction, un dommage plus grave ils ne peuvent cependant jamais accepter de légitimer, au titre de droit des individus — même si ceux-ci étaient la majorité des membres de la société —, l’atteinte portée à d’autres personnes par la méconnaissance d’un droit aussi fondamental que celui à la vie. La tolérance légale de l’avortement et de l’euthanasie ne peut en aucun cas s’appuyer sur le respect de la conscience d’autrui, précisément parce que la société a le droit et le devoir de se protéger contre les abus qui peuvent intervenir au nom de la conscience et sous le prétexte de la liberté. […] Car « la mission essentielle de toute autorité politique est de protéger les droits inviolables de l’être humain et de faire en sorte que chacun s’acquitte plus aisément de sa fonction particulière ». C’est pourquoi, si les pouvoirs publics viennent à méconnaître ou à violer les droits de l’homme, non seulement ils manquent au devoir de leur charge, mais leurs dispositions sont dépourvues de toute valeur juridique ». (Evangelum Vitae 71)

« L’autorité, exigée par l’ordre moral, émane de Dieu. Si donc il arrive aux dirigeants d’édicter des lois ou de prendre des mesures contraires à cet ordre moral et par conséquent, à la volonté divine, ces dispositions ne peuvent obliger les consciences… Bien plus, en pareil cas, l’autorité cesse d’être elle-même et dégénère en oppression ». C’est là l’enseignement lumineux de saint Thomas d’Aquin qui écrit notamment: « La loi humaine a raison de loi en tant qu’elle est conforme à la raison droite; à ce titre, il est manifeste qu’elle découle de la loi éternelle. Mais, dans la mesure où elle s’écarte de la raison, elle est déclarée loi inique et, dès lors, n’a plus raison de loi, elle est plutôt une violence ». Et encore: « Toute loi portée par les hommes n’a raison de loi que dans la mesure où elle découle de la loi naturelle. Si elle dévie en quelque point de la loi naturelle, ce n’est alors plus une loi mais une corruption de la loi » (Evangelum Vitae 72)

« A présent, la première et la plus immédiate des applications de cette doctrine concerne la loi humaine qui méconnaît le droit fondamental et originel à la vie, droit propre à tout homme. Ainsi les lois qui, dans le cas de l’avortement et de l’euthanasie, légitiment la suppression directe d’êtres humains innocents sont en contradiction totale et insurmontable avec le droit inviolable à la vie propre à tous les hommes, et elles nient par conséquent l’égalité de tous devant la loi. On pourrait objecter que tel n’est pas le cas de l’euthanasie lorsqu’elle est demandée en pleine conscience par le sujet concerné. Mais un Etat qui légitimerait cette demande et qui en autoriserait l’exécution en arriverait à légaliser un cas de suicide-homicide, à l’encontre des principes fondamentaux de l’indisponibilité de la vie et de la protection de toute vie innocente. De cette manière, on favorise l’amoindrissement du respect de la vie et l’on ouvre la voie à des comportements qui abolissent la confiance dans les rapports sociaux. Les lois qui autorisent et favorisent l’avortement et l’euthanasie s’opposent, non seulement au bien de l’individu, mais au bien commun et, par conséquent, elles sont entièrement dépourvues d’une authentique validité juridique. En effet, la méconnaissance du droit à la vie, précisément parce qu’elle conduit à supprimer la personne que la société a pour raison d’être de servir, est ce qui s’oppose le plus directement et de manière irréparable à la possibilité de réaliser le bien commun. Il s’ensuit que, lorsqu’une loi civile légitime l’avortement ou l’euthanasie, du fait même, elle cesse d’être une vraie loi civile, qui oblige moralement. (Evangelum Vitae 72)

En résumé : Les 4 éléments essentiels à retenir de la position catholique :

1)L’Eglise condamne directement l’euthanasie :« Quels qu’en soient les motifs et les moyens, l’euthanasie directe consiste à mettre fin à la vie de personnes handicapées, malades ou mourantes. Elle est moralement irrecevable. Ainsi une action ou une omission qui, de soi ou dans l’intention, donne la mort afin de supprimer la douleur, constitue un meurtre gravement contraire à la dignité de la personne humaine et au respect du Dieu vivant, son Créateur. L’erreur de jugement dans laquelle on peut être tombé de bonne foi, ne change pas la nature de cet acte meurtrier, toujours à proscrire et à exclure. » (Catéchisme de l’Eglise catholique 2277)

2)En revanche, l’Eglise comprends bien qu’il est parfois absurde de vouloir à tout prix maintenir une personne en vie en faisant usage de moyens disproportionnés. C’est pourquoi elle rejette également l’acharnement thérapeutique : « La cessation de procédures médicales onéreuses, périlleuses, extraordinaires ou disproportionnées avec les résultats attendus peut être légitime. C’est le refus de  » l’acharnement thérapeutique « . On ne veut pas ainsi donner la mort ; on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher. Les décisions doivent être prises par le patient s’il en a la compétence et la capacité, ou sinon par les ayant droit légaux, en respectant toujours la volonté raisonnable et les intérêts légitimes du patient. » (Catéchisme de l’Eglise catholique 2278)

3)Elle recommande enfin les soins palliatifs comme alternative à l’euthanasie : «L’Eglise recommande les soins palliatifs et autorise d’administrer des médicaments pour allégèrer toute douleur même si cela écourtera la vie de la personne mourante : Même si la mort est considérée comme imminente, les soins ordinairement dus à une personne malade ne peuvent être légitimement interrompus. L’usage des analgésiques pour alléger les souffrances du moribond, même au risque d’abréger ses jours, peut être moralement conforme à la dignité humaine si la mort n’est pas voulue, ni comme fin ni comme moyen, mais seulement prévue et tolérée comme inévitable. Les soins palliatifs constituent une forme privilégiée de la charité désintéressée. A ce titre ils doivent être encouragés. » (Catéchisme de l’Eglise catholique 2279)

4)L’Eglise enseigne que non seulement l’euthanasie est gravement immorale mais aussi qu’elle doit être rendue illégale : «L’avortement et l’euthanasie sont donc des crimes qu’aucune loi humaine ne peut prétendre légitimer. […] Les lois qui autorisent et favorisent l’avortement et l’euthanasie s’opposent, non seulement au bien de l’individu, mais au bien commun et, par conséquent, elles sont entièrement dépourvues d’une authentique validité juridique. […] Il s’ensuit que, lorsqu’une loi civile légitime l’avortement ou l’euthanasie, du fait même, elle cesse d’être une vraie loi civile, qui oblige moralement. […] Les chrétiens, de même que tous les hommes de bonne volonté, sont appelés, en vertu d’un grave devoir de conscience, à ne pas apporter leur collaboration formelle aux pratiques qui, bien qu’admises par la législation civile, sont en opposition avec la Loi de Dieu. En effet, du point de vue moral, il n’est jamais licite de coopérer formellement au mal. » (Evangelum vitae 72-74)

Un mot sur le suicide assisté

L’Encyclique Evangelum Vitae n°66 réitère la condamnation morale du suicide : « Le suicide est toujours moralement inacceptable, au même titre que l’homicide. La tradition de l’Eglise l’a toujours refusé, le considérant comme un choix gravement mauvais. Bien que certains conditionnements psychologiques, culturels et sociaux puissent porter à accomplir un geste qui contredit aussi radicalement l’inclination innée de chacun à la vie, atténuant ou supprimant la responsabilité personnelle, le suicide, du point de vue objectif, est un acte gravement immoral, parce qu’il comporte le refus de l’amour envers soi-même et le renoncement aux devoirs de justice et de charité envers le prochain, envers les différentes communautés dont on fait partie et envers la société dans son ensemble. En son principe le plus profond, il constitue un refus de la souveraineté absolue de Dieu sur la vie et sur la mort, telle que la proclamait la prière de l’antique sage d’Israël: « C’est toi qui as pouvoir sur la vie et sur la mort, qui fais descendre aux portes de l’Hadès et en fais remonter » (Sg 16, 13; cf. Tb 13, 2).

En conséquence, l’Eglise déduit que le suicide assisté est également gravement immoral : « Partager l’intention suicidaire d’une autre personne et l’aider à la réaliser, par ce qu’on appelle le « suicide assisté », signifie que l’on se fait collaborateur, et parfois soi-même acteur, d’une injustice qui ne peut jamais être justifiée, même si cela répond à une demande. »

Le catéchisme de l’Eglise catholique ajoute :« Chacun est responsable de sa vie devant Dieu qui la lui a donnée. C’est Lui qui en reste le souverain Maître. Nous sommes tenus de la recevoir avec reconnaissance et de la préserver pour son honneur et le salut de nos âmes. Nous sommes les intendants et non les propriétaires de la vie que Dieu nous a confiée. Nous n’en disposons pas. Le suicide contredit l’inclination naturelle de l’être humain à conserver et à perpétuer sa vie. Il est gravement contraire au juste amour de soi. Il offense également l’amour du prochain, parce qu’il brise injustement les liens de solidarité avec les sociétés familiale, nationale et humaine à l’égard desquelles nous demeurons obligés. Le suicide est contraire à l’amour du Dieu vivant. […] La coopération volontaire au suicide est contraire à la loi morale. » (CEC 2280-2282)

En revanche l’Eglise reconnait que « des troubles psychiques graves, l’angoisse ou la crainte grave de l’épreuve, de la souffrance ou de la torture peuvent diminuer la responsabilité du suicidaire. » (CEC 2282).

C’est pourquoi elle enseigne que l’on « ne doit pas désespérer du salut éternel des personnes qui se sont donné la mort. Dieu peut leur ménager par les voies que lui seul connaît, l’occasion d’une salutaire repentance. L’Église prie pour les personnes qui ont attenté à leur vie. » (CEC 2283)



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