Le problème de l’incroyance raisonnable


Présentation de l’argument

Le philosophe John L Schellenberg a présenté il y a quelques années un argument en faveur de l’athéisme que nous reformulons de la manière suivante.1


1) Si Dieu existe et qu’il est pleinement bon, alors il devrait vouloir entrer en relation avec tous les êtres humains à un moment donné dans leur vie.
2) Si Dieu veut entrer en relation avec tous les êtres humains à un moment donné dans leur vie, alors toute personne rationnelle devrait être amenée à croire en lui à un moment de sa vie.
3) Or, il existe des êtres humains rationnels qui ne sont pas amenés à croire en Dieu tout au long de leur vie.
4) Donc il n’existe pas de Dieu pleinement bon.

Réponse catholique à l’argument


La faille de l’argument se cache dans la prémisse n° 2, qui oublie la dimension de la volonté. En effet, il ne suffit pas d’être « rationnel » pour vouloir entrer dans une relation avec Dieu, il faut aussi vouloir l’aimer et remettre sa vie à lui.

Oublier cela, c’est tout simplement s’aveugler sur l’extraordinaire résistance dont est capable la volonté humaine jusqu’au rejet de la rationalité. Beaucoup de personnes (même rationnelles) ne veulent tout simplement pas que Dieu existe, puisqu’elles l’assimilent à la figure d’un père autoritaire, voire d’un tyran.

Le philosophe athée Thomas Nagel s’était d’ailleurs montré particulièrement honnête en admettant la chose suivante : « Je parle d’expérience, étant moi-même sujet à cette peur : je souhaite que l’athéisme soit vrai, et je suis mal à l’aise de voir que quelques unes des personnes les plus intelligentes et mieux informées que je connaisse croient en Dieu. Ce n’est pas seulement que je ne crois pas en Dieu, et que j’espère ne pas me tromper. C’est que j’espère qu’il n’y a pas de Dieu ! Je ne veux pas qu’il y ait un Dieu : je ne veux pas que l’Univers soit comme ça. Mon intuition est d’ailleurs que cette crainte est responsable d’une grande part du scientisme et du réductionnisme de notre temps»2

Par conséquent, il est faux d’affirmer que le fait que Dieu veuille entrer en relation avec chaque homme implique que toute personne rationnelle devrait être amenée à croire en lui.

Pour que la prémisse soit correcte, il faudrait la reformuler ainsi: « Si Dieu veut entrer en relation avec tous les êtres humains à un moment donné dans leur vie, alors chaque personne rationnelle, bien renseignée et de bonne volonté, devrait être amenée à croire en Dieu à un moment donné dans sa vie »

Pour que l’argument soit de nouveau logiquement valide, il faudrait
alors réécrire la prémisse n° 3 de la manière suivante :« Or, il existe des êtres humains rationnels, bien renseignés et de bonne volonté, qui ne sont pas amenés à croire en Dieu tout au long de leur vie ».

C’est précisément cette prémisse reformulée que nous nions. À notre avis, compte tenu de la force des preuves de l’existence de Dieu et des nombreux miracles éclatants à notre disposition, il n’est pas possible d’être à la fois athée, rationnel, bien renseigné et de bonne foi tout au long de sa vie.

C’est d’ailleurs la position de l’Eglise catholique.

L’Ecriture Sainte enseigne en effet que les athées sont « inexcusables » de ne pas avoir reconnu le Dieu créateur et les qualifie même « d’insensés »:

« Insensés par nature tous les hommes qui ont ignoré Dieu, et qui n’ont pas su, par les biens visibles, voir Celui qui est, ni, par la considération de ses oeuvres, reconnaître l’Ouvrier. Mais c’est le feu, le vent, la brise légère, la ronde des étoiles, la violence des flots, les luminaires du ciel gouvernant le cours du monde, qu’ils ont regardés comme des dieux. S’ils les ont pris pour des dieux, sous le charme de leur beauté, ils doivent savoir combien le Maître de ces choses leur est supérieur, car l’Auteur même de la beauté est leur créateur. Et si c’est leur puissance et leur efficacité qui les ont frappés, ils doivent comprendre, à partir de ces choses, combien est plus puissant Celui qui les a faites. Car à travers la grandeur et la beauté des créatures, on peut contempler, par analogie, leur Auteur. […] Encore une fois, ils n’ont pas d’excuse. S’ils ont poussé la science à un degré tel qu’ils sont capables d’avoir une idée sur le cours éternel des choses, comment n’ont-ils pas découvert plus vite Celui qui en est le Maître ? » (Sagesse 13,1-5; 8-9)

« L’insensé dit en son coeur: Il n’y a point de Dieu! » (Psaume 14,1)

« ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître. En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables » (Romains 1,18-20)

Les Papes ont également confirmé que toute personne honnête en recherche sincère de la vérité prenant le temps de se renseigner adéquatement en matière religieuse devrait devenir convaincue de l’origine divine de la religion chrétienne.

Le Pape Pie IX enseignait dans son encyclique Qui pluribus: « Combien nombreux, admirables, splendides sont les arguments qui doivent très nettement convaincre la raison que la religion chrétienne est divine» (Denzinger 2779)

Saint Pie X confirme « je reconnais les preuves extérieures de la Révélation, c’est-à-dire les faits divins, particulièrement les miracles et les prophéties comme des signes très certains de l’origine divine de la religion chrétienne et je tiens qu’ils sont tout à fait adaptés à l’intelligence de tous les temps et de tous les hommes, même ceux d’aujourd’hui. » (Serment antimoderniste, Denzinger 3539)

Enfin le Pape Pie XII enseignait dans son encyclique Humani Generis : « On sait combien l’Église estime la raison humaine dans le pouvoir qu’elle a de démontrer avec certitude l’existence d’un Dieu personnel, de prouver victorieusement par les signes divins les fondements de la foi chrétienne elle-même, d’exprimer exactement la loi que le Créateur a inscrite dans l’âme humaine et enfin de parvenir à une certaine intelligence des mystères, qui nous est très fructueuse.  [….] Bien plus, l’esprit humain peut éprouver parfois des difficultés à formuler un simple jugement certain de « crédibilité » au sujet de la foi catholique, encore que Dieu ait disposé un grand nombre de signes extérieurs éclatants qui nous permettent de prouver, de façon certaine, l’origine divine de la religion chrétienne avec les seules lumières naturelles de notre raison. »

Ainsi d’après la Bible et l’Eglise catholique, le trilemme suivant semble inévitable : une personne qui reste athée tout au long de sa vie est ou bien irrationnelle, ou bien mal informée, ou bien de mauvaise volonté.

Cette conclusion n’est pas « politiquement correcte » certes, mais elle est logiquement impliquée par la force des preuves de l’existence de Dieu et des miracles à notre disposition.

  1. Schellenberg, J. L. (2011). « Would a Loving God Hide from Anyone? ». In Solomon, Robert; McDermid, Douglas (eds.). Introducing Philosophy for Canadians. Oxford University Press. pp. 165–166. ↩︎
  2. Thomas Nagel, The Last Word, Oxford University Press, 1997, p 130-131 ↩︎

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