Peut-on espérer que l’enfer soit vide ?

Il est désespérant que certains catholiques se posent encore la question. L’influence de néfaste de l’eschatologie de Hans Urs Von Balthasar a fait bien des dégâts, si bien qu’une grande partie des fidèles « catholiques », s’ils croient encore à l’existence de l’enfer, sont aujourd’hui convaincus qu’il ne faut pas trop s’en préoccuper et qu’il est possible (voir probable?) que celui-ci soit vide. Il est donc grand temps de rectifier le tir en remettant les choses au clair sur cette question.

Exposé de l’Argument

L’argument central contre la thèse de Balthasar peut se résumer ainsi:

  1. On ne peut pas espérer une chose que l’on sait être impossible.
  2. Or nous savons par la Révélation qu’il est impossible que l’enfer soit vide.
  3. Donc on ne peut pas espérer que l’enfer soit vide (par 1 et 2).

La prémisse 1) est une évidence. S’il on sait à l’avance qu’une chose est impossible (c’est-à-dire qu’elle ne pourra jamais se réaliser) alors il est parfaitement irrationnel de continuer à espérer qu’elle se réalise. Par exemple si je sais que Judas a trahi Jésus, alors il serait irrationnel pour moi d’espérer que Judas n’eut jamais trahi Jésus. Ce serait refuser d’accepter ce que je sais être la réalité.

Reste donc montrer la prémisse 2. Comment peut-on être sur que l’enfer ne sera pas vide ? Réponse courte: parce que cela nous a été révélé dans la Bible, par la Tradition de l’Eglise et confirmé que le magistère. Même si l’Eglise ne canonise pas telle ou telle personne pour l’enfer on peut avoir la certitude qu’il y aura au moins certaines personnes en enfer.

Ce qu’enseigne Jésus

Jésus est le premier à enseigner qu’il y aura de fait des gens en enfer :

« Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s’assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d’avec les autres, comme le berger sépare les brebis d’avec les boucs; et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. […] il dira à ceux qui seront à sa gauche: Retirez-vous de moi, maudits; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges.[…] Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle. » (Mt 25,31-46)

Il ne s’agit pas d’un enseignement hypothétique mais d’une réalité annoncée. L’expression : « Et ceux-ci iront » indique qu’un évènement qui va se produire, pas un évènement qui peut potentiellement se produire.

Jésus donne aussi une parabole très claire sur le bon grain et l’ivraie en précisant: «l’ivraie, ce sont les fils du malin » (Mt 13,38) et affirme  « Comme on arrache l’ivraie et qu’on la jette au feu, il en sera de même à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l’iniquité: et ils les jetteront dans la fournaise ardente, où il y aura des pleurs et des grincements de dents» (Mt 13,37-42)

Ici encore, il ne s’agit pas d’un avertissement hypothétique. Jésus enseigne que ces choses vont arriver (les expressions: « il en sera de même à la fin du monde » et « le Fils de l’homme enverra ses anges » ne laissent pas place au doute).

Jésus semble même enseigner que beaucoup de personnes seront damnées :

« Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. » (Mt 22,14) « Entrez par la porte étroite. Car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent «  (Mt 7, 13-14)»

 On a même osé poser directement la question à Jésus du nombre de personnes sauvées: «Quelqu’un lui dit: Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés? Il leur répondit: Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Car, je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer, et ne le pourront pas. » (Luc 13,23-24)

=> Ces textes impliquent nécessairement qu’au moins certaines personnes seront damnées.

Le reste du Nouveau Testament

Le reste du Nouveau Testament enseigne aussi qu’il y a des personnes qui sont enfer. C’est notamment le cas de Sodome et Gomorrhe:

« Sodome et Gomorrhe et les villes voisines, qui se livrèrent comme eux à l’impudicité et à des vices contre nature, sont données en exemple, subissant la peine d’un feu éternel » (Jude 1,7)

Le livre de l’apocalypse annonce également que certaines personnes seront damnées: « pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l’étang ardent de feu. » (Apocalypse 21,8)

Il est aussi explicitement enseigné que la bête et le faux prophète sont en enfer: « le diable, qui les séduisait, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où sont la bête et le faux prophète. Et ils seront tourmentés jour et nuit, aux siècles des siècles. » (Ap 20,10)

Ici on pourrait soutenir que la Bête se réfère au diable mais il est très clair que le faux prophète dont il est question concerne un homme et non un ange.

Saint Paul enseigne lui aussi très clairement que certaines personnes n’hériteront pas du Royaume des cieux:

« Lorsque le Seigneur Jésus apparaîtra du ciel avec les anges de sa puissance, au milieu d’une flamme de feu, pour punir ceux qui ne connaissent pas Dieu et ceux qui n’obéissent pas à l’Evangile […] Ils auront pour châtiment une ruine éternelle » ( 2 Th 1,7-9)

« Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront point le royaume de Dieu? Ne vous y trompez pas: ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n’hériteront le royaume de Dieu.… » (1 Cor 6,9-10)

« les oeuvres de la chair sont manifestes, ce sont l’impudicité, l’impureté, la dissolution, l’idolâtrie, la magie, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les sectes, l’envie, l’ivrognerie, les excès de table, et les choses semblables. Je vous dis d’avance, comme je l’ai déjà dit, que ceux qui commettent de telles choses n’hériteront point le royaume de Dieu. » (Ga 5,19-21)

« sachez-le bien, aucun impudique, ou impur, ou cupide, c’est-à-dire, idolâtre, n’a d’héritage dans le royaume de Christ et de Dieu » (Ga 5,5)

Le Magistère de l’Eglise

Contrairement à ce que certains pourraient penser, le magistère de l’Eglise enseigne aussi qu’il y aura des personnes en enfer de fait. Le concile de Quiersy, en 853, enseigne:  « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, bien que tous ne soient pas sauvés »(Denzinger 623).

Cela implique qu’au moins certains hommes sont damnés.

On pourrait aussi mentionner le texte dogmatique du 4ième concile de Latran qui enseigne qu’il y aura des réprouvés et des élus : « Il [Jésus] viendra à la fin des temps pour juger les vivants et les morts, pour rendre à chacun selon ses œuvres, tant aux réprouvés qu’aux élus. Tous ressusciteront avec le corps qu’ils portent actuellement, afin de recevoir ce qu’ils auront mérité, soit en bien, soit en mal ; pour les seconds, le châtiment perpétuel avec le diable, pour les premiers, la gloire éternelle avec le Christ. » (Profession de foi, IV Concile de Latran)

Judas est-il en enfer ?

Tout ce que nous avons dit précédemment suffit amplement à trancher la question de la possibilité de l’enfer vide. Cependant nous pouvons aussi, à titre informatif, examiner plus en détail le fameux cas de Judas.

Soyons clairs: la Tradition chrétienne est unanime sur le fait que Judas est damné. L’Eglise célèbre la fête de tous les apôtres sauf Judas. Elle n’a jamais priée pour que Judas aille au ciel (alors qu’elle prie normalement pour le salut de toutes les âmes). De nombreux saints et docteurs de l’Église, y compris saint Augustin et saint Thomas d’Aquin, ont considéré cette damnation comme une vérité de foi.

Pourquoi? Parce que l’évangile enseigne que Judas est en enfer.

Jésus l’appelle le Fils de la perdition: « Lorsque j’étais avec eux dans le monde, je les gardais en ton nom. J’ai gardé ceux que tu m’as donnés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon le fils de perdition » (Jean 17,12)

Jésus affirme aussi que Judas est un démon: «N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les douze? Et l‘un de vous est un démon! » (Jn 6,70)

Mais le passage le plus fort en faveur de la damnation de Judas est lorsque Jésus affirme à propos de lui: «Mieux vaudrait pour cet homme qu’il ne fût pas né. » (Mt 26,24).

Ce verset implique nécessairement que Judas est en enfer. En effet, si une personne finit par arriver au paradis (après un très long temps de purgatoire) alors il aurait quand même mieux valu pour cette personne de naitre, puisque son existence lui apportera, au total, une infinité de bonheur. Donc dire à propos de quelqu’un qu’il aurait mieux valu pour lui de ne pas naitre implique nécessairement que cette personne est damnée (seule la damnation est pire que la non-existence). C’est pourquoi il est indubitable que Judas est en enfer.

Le catéchisme du Concile de Trente le confirme d’ailleurs :

« D’autres s’abandonnent à tel point au chagrin et à la désolation, qu’ils viennent à désespérer entièrement de leur salut. Tel semble avoir été Caïn, qui disait: « Mon crime est trop grand pour obtenir le pardon. » Et tel fut certainement Judas que « le repentir de son crime conduisit à se pendre lui-même, » perdant ainsi la vie et son âme tout ensemble » (Catéchisme du Concile de Trente, Traité sur la pénitence)

A propos des prêtres infidèles ayant reçu le sacrement de l’ordre, le même catéchisme déclare: « Aussi ne tirent-ils point d’autre fruit de leur Sacerdoce, que celui que recueillit Judas de son apostolat, c’est-à-dire leur perte éternelle. »

L’Ecriture, la Tradition et l’Eglise enseignent donc que Judas est en enfer.

Conclusion

Il est donc absurde de soutenir que l’enfer serait vide. Cela contredirait non seulement les paroles de Jésus mais le reste de la Révélation enseignée et transmise par la Tradition.

Concluons avec l’enseignement du catéchisme de l’Eglise catholique actuel:

« L’enseignement de l’Église affirme l’existence de l’enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent immédiatement après la mort dans les enfers, où elles souffrent les peines de l’enfer, « le feu éternel ». […] Les affirmations de la Sainte Écriture et les enseignements de l’Église au sujet de l’enfer sont un appel à la responsabilité avec laquelle l’homme doit user de sa liberté en vue de son destin éternel. Elles constituent en même temps un appel pressant à la conversion :  » Entrez par la porte étroite. Car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent  » (Mt 7, 13-14)»  (CEC 1035-1036)

En résumé

  • L’Eglise ne se prononce pas sur le nombre de personnes en enfer (les catholiques sont libres d’en débattre).
  • En revanche, toute l’écriture la Tradition et le Magistère affirment très clairement qu’il y aura des personnes en enfer de fait.
  • On peut espérer pour le salut de chaque personne à titre individuel (prier pour le salut de tel ou tel individu) mais on ne peut pas espérer que tous soient sauvés collectivement. Jésus nous a dit explicitement le contraire.

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