Teilhard de Chardin était il catholique?

Introduction et contexte

Teilhard de Chardin est aujourd’hui considéré par beaucoup comme étant un grand philosophe, scientifique et théologien. Depuis les années 60, la pensée teilhardienne s’est largement répandue au sein des milieux académiques français où l’on considère facilement Teilhard comme un précurseur de son temps; un homme incompris de son époque, mais un génie du christianisme. En réalité, cette adulation n’a pas lieu d’être: Teilhard n’était pas un génie du christianisme pour la bonne et simple raison que sa doctrine n’était même pas chrétienne! Nous allons en donner les preuves.1

1)Négation de l’historicité du péché originel

Teilhard rejetait l’historicité du péché originel affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un acte isolé d’Adam et Eve (dont il nie l’existence!) mais d’un « état affectant la masse humaine dans son ensemble, par suite d’une poussières de fautes disséminées au cours du temps dans l’Humanité »2 Or la Révélation enseigne très clairement que « par un seul homme le péché est entré dans le monde » (Rm 5,12) et l’Eglise confirme que le péché originel (transmis à chacun par propagation héréditaire) a vraiment eu lieu à moment précis dans l’histoire 3, ce que Teilhard rejette.

2)Négation de la liberté de Dieu dans l’acte créateur

Teilhard professait également l’hérésie du nécessitarisme et soutenait que Dieu n’était pas pleinement libre dans son acte créateur. Dans un texte de 1920, il écrivait: « Autant que nous pouvons apprécier la marche du Monde, la Puissance divine n’a pas devant le champ aussi libre que nous le supposons: mais tout au contraire […] elle demeure assujettie au cours de son effort créateur, à passer par toute une série d’intermédiaires, et à surmonter toute une suite de risques inévitables. »4

Florian Laguens, philosophe des sciences confirme: « Pour Teilhard, Dieu pouvait ne pas créer le monde autrement qu’en état d’évolution. Celle-ci relève d’une nécessité absolue ».5 Tout cela est évidemment contraire au dogme catholique qui enseigne que Dieu était parfaitement libre dans son choix de créer ainsi que dans le mode de création choisit.6 Teilhard niait donc non seulement un dogme mais un article du crédo: la toute puissance de Dieu. Loin de s’amender, Teilhard maintenait son hérésie encore 1948 en écrivant: « Dieu pour créer, ne peut procéder que d’une seule façon: arranger, unifier petit à petit, sous son influence attractive, en utilisant le jeu tâtonnant des grands nombres, une multitude d’éléments. »7

Contradiction frontale avec le dogme catholique qui affirme que Dieu peut procéder de plusieurs façons pour créer: « Nous croyons que Dieu n’a besoin de rien de préexistant ni d’aucune aide pour créer (cf. Cc. Vatican I : DS 3022). La création n’est pas non plus une émanation nécessaire de la substance divine (cf. Cc. Vatican I : DS 3023-3024). Dieu crée librement  » de rien  » (DS 800 ; 3025)« 8

Florian Laguens conclut: « Pour Teilhard, l’Incarnation et la Rédemption étaient des nécessités, contre la Tradition de l’Eglise qui insiste sur la liberté de Dieu de créer, de s’incarner et de sauver le monde. Pour Teilhard, il y aune nécessité globale, ce qui explique qu’il parle sans cesse du Christ même quand il disserte sur la création. Selon lui, de même que la création doit encore être perfectionnée, de même l’Incarnation et la Rédemption. Il n’est pas évident de savoir si pour Teilhard la Révélation est achevée, par exemple lorsqu’il aspire à une nouvelle religion qu’il nomme « néo-christianisme« .9

A noter que Teilhard ne manifestait pas uniquement son dégout pour la doctrine catholique de la création mais aussi pour les autres éléments centraux de la foi chrétienne qu’il qualifie de « vulgaires » notions: « Je suis parfois un peu effrayé quand je songe à la transposition que je dois faire subir, en moi, aux notions vulgaires de création, inspiration, miracle, péché originel, Résurrection, etc., pour pouvoir les accepter »10

3)Profession de foi panthéiste

Concomitamment à ses hérésies sur la doctrine chrétienne en générale, Teilhard a toujours avoué avoir des penchants panthéistes. Le 14 octobre 1916 il écrivait: « J’avais toujours eu une âme naturellement panthéiste. J’en éprouvais les aspirations invincibles, natives ; mais sans oser les utiliser librement, parce que je ne savais pas les concilier avec ma foi. Depuis (…) je puis dire que j’ai trouvé (…) l’inaltérable paix. »11

C’est pourquoi il pensait que le christianisme devait évoluer en même temps que l’humanité et qu’il fallait se débarrasser du Dieu traditionnel transcendant du monothéisme. Le 4 octobre 1950, il commente : « L’Humanité est en train de muer. Comment le Christianisme ne devrait-il pas le faire ? (…) : transversalement au Dieu traditionnel et transcendant de l’En-Haut, une sorte de Dieu de En-Avant surgit pour nous, depuis un siècle, en direction de quelque « ultra-humain ».

Accuser Teilhard de panthéisme n’est donc pas exagéré puisque ce dernier admettait noir sur blanc: « Le Monde, telle est en dernière analyse la première, la dernière et la seule chose en laquelle je crois. »12

Comment peut-on être plus clair?

4)Apostasie explicite

L’apostasie Teilhardienne ne s’est pas fait attendre. Teilhard avouait lui même enseigner une « nouvelle Christologie » assurant que celle-ci serait susceptible de fonder sa nouvelle religion: « ]’en suis convaincu : c’est d’une Christologie nouvelle étendue aux dimensions organiques de notre nouvel Univers que s’apprête à sortir la Religion de demain »13

On comprends alors pourquoi la religion chrétienne ne lui présentait pas le Dieu qu’il lui fallait: « Aucune religion à l’heure présente ne nous présente explicitement, officiellement, le Dieu qu’il nous faut. Voilà pourquoi il me parait si primordial, si fondamental, de repenser la Christologie et de déployer devant le Monde ce que j’appelle le Christ universel »14

Le paroxysme de l’apostasie teilhardienne se retrouve dans ses propos de 1936 à Léontine Zanta où il affirme avec une clarté éblouissante: « Ce qui va dominant mon intérêt et mes préoccupations intérieures, (…), c’est l’effort pour établir en moi, et diffuser autour de moi, une religion nouvelle (appelons-la un Christianisme amélioré, si vous voulez) où le Dieu Personnel cesse d’être le grand propriétaire « néolithique » de jadis pour devenir l’âme du Monde […]»15

5)Condamnation par le saint Office

Etant donné ses enseignements formellement hérétiques (niant entres autres, l’historicité du péché originel, la liberté de Dieu dans sa création) et sa revendication personnelle à vouloir fonder sa nouvelle religion (qu’il appelle « christianisme amélioré ») les avertissements ne lui ont pas manqué de la part du Vatican :

-en 1926, interdiction d’enseigner à l’Institut catholique de Paris

– en 1947, refus de l’Imprimatur à son volume « Le Phénomène humain »

– en 1948, l’interdiction d’accepter une chaire au Collège de France

-en 1949 (30 janvier), une note de L’Osservatore Romano disait : « …Le P. Teilhard de Chardin n’est pas du tout éminent en matière de Théologie, (…) c’est un fait que beaucoup de ses considérations d’ordre doctrinal sont sujettes à de graves réserves, parce que son système, du point de vue philosophique et théologique, n’est pas exempt d’obscurités et d’ambiguïtés dangereuses »

Le 30 juin 1962, le Saint Office condamne ses thèses les qualifiant « d’erreurs, si graves, qu’elles offensent la doctrine catholique » et incite les recteurs des séminaires et d’université à se protéger « contre les dangers des ouvrages du P. Teilhard de Chardin et de ses disciples.»

Son rejet du christianisme authentique était tellement manifeste que même les francs-maçons reconnaissaient Teilhard comme un allié précieux. Le maçon Lepage disait par exemple :  « Je ne crois pas que les théologiens reconnaissent le Père Teilhard de Chardin… comme l’un des leurs; mais il est certain que tous les maçons connaissant bien leur art le salueront comme leur frère en esprit et en vérité »16

Puissent les catholiques des temps modernes se détacher des hérésies teilhardiennes et cesser d’aduler un personnage qui ne le mérite manifestement pas.


  1. Sauf mention du contraire, l’ensemble des citations de l’article sont tirées du livre Teilhard l’apostat de René Valnève consultable en ligne par tous: https://cielterrefc.fr/wp-content/uploads/2024/08/Teilhard_l_apostat.pdf Ce livre fut préfacé par Marcel de Corte, grand thomiste français du XXième siècle et professeur à l’université de Liège. ↩︎
  2. « Réflexions sur le péché originel », 1947, cité dans Florian Laguens, Science et Foi, les grandes controverses, Artège 2024, p.166 ↩︎
  3. « Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la faute originelle commise par lui a fait tomber la nature humaine, commune à tous les hommes, dans un état où elle porte les conséquences de cette faute et qui n’est pas celui où elle se trouvait d’abord dans nos premiers parents, constitués dans la sainteté et la justice, et où l’homme ne connaissait ni le mal ni la mort. C’est la nature humaine ainsi tombée, dépouillée de la grâce qui la revêtait, blessée dans ses propres forces naturelles et soumise à l’empire de la mort, qui est transmise à tous les hommes et c’est en ce sens que chaque homme naît dans le péché. Nous tenons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, « non par imitation, mais par propagation », et qu’il est ainsi « propre à chacun ». » (Crédo de Paul VI en 1968) ↩︎
  4. Notes sur les modes de l’action divine dans l’univers » (1920) ; cité dans Florian Laguens, Science et Foi, les grandes controverses, Artège 2024, p.167 ↩︎
  5. Florian Laguens, Science et Foi, les grandes controverses, Artège 2024, p.167 ↩︎
  6. « Dans sa bonté et par sa force toute-puissante, non pour augmenter sa béatitude, ni pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens qu’il accorde à ses créatures, ce seul vrai Dieu a, dans le plus libre dessein, tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l’une et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle (Denzinger 3002)« .  ↩︎
  7. « Comment je vois » (1948) cité dans Florian Laguens, Science et Foi, les grandes controverses, Artège 2024, p.168 ↩︎
  8. Catéchisme de l’Eglise catholique n°296 ↩︎
  9. Florian Laguens, Science et Foi, les grandes controverses, Artège 2024, p.168 ↩︎
  10. Cité dans Teilhard l’apostat, p.130 https://cielterrefc.fr/wp-content/uploads/2024/08/Teilhard_l_apostat.pdf ↩︎
  11. Cité dans Teilhard l’apostat, p.97 https://cielterrefc.fr/wp-content/uploads/2024/08/Teilhard_l_apostat.pdf ↩︎
  12. Teilard de Chardin, Comment je crois ↩︎
  13. Cité dans Teilhard l’apostat, p.109 ↩︎
  14. Cité dans Teilhard l’apostat, p.113 ↩︎
  15. Correspondance, Paris, Desclée de Brouwer, 1965, p. 127 ↩︎
  16. Le Spiritualisme, mai 1962. ↩︎

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