La FSSPX nie-t-elle l’indéfectibilité de l’Eglise ? (Réponse à l’abbé Gleize)

Introduction

Dans le dernier numéro de la revue théologique de la Fsspx, le courrier de Rome, monsieur l’abbé Jean-Michel Gleize a jugé utile de répondre à ma vidéo critiquant certaines positions « extrêmes » de la FSSPX sur la liturgie.1 Cet article aura pour objet de répondre à ses allégations.

Avant d’aborder les arguments avancés par l’abbé Gleize, je tiens à préciser que lui comme moi sommes attachés à la recherche de la vérité en matière théologique. En dépit de nos désaccords, j’admire son zèle ainsi que ses qualités intellectuelles de théologien et je suis honoré qu’un professeur d’ecclésiologie de son calibre ait daigné s’intéresser à mes travaux apologétiques.  Cela étant dit, je me permets à présent de tenter de répondre aux arguments de fond étayés par ce dernier.

Présentation du problème sur l’indéfectibilité

Pour y voir plus clair dans cette disputatio, je propose de reprendre mon syllogisme initial présenté dans ma vidéo qui affirmait en substance la chose suivante :

  1. Il est théologiquement impossible qu’une Église indéfectible puisse promulguer universellement une liturgie, qui lorsqu’elle est bien célébrée (avec piété révérence et respect des rubriques), est intrinsèquement mauvaise et dangereuse pour le salut des âmes.2
  2. Or la FSSPX affirme que l’Église catholique a promulgué universellement une liturgie, qui lorsqu’elle est bien célébrée (avec piété révérence et respect des rubriques) est intrinsèquement mauvaise et dangereuse pour le salut des âmes.
  3. Donc la position de la FSSPX mène à nier l’indéfectibilité de l’Église (par 1 et 2)

Cet argument est logiquement valide. Reste à savoir si les prémisses sont vraies.

La prémisse 2 de ce raisonnement est largement attestée dans tous les écrits des prêtres et des autorités officielles de la FSSPX.3 J’en avais fait la démonstration dans ma vidéo et cette démonstration n’a pas été contestée par l’abbé Gleize qui abonde dans ce sens en citant lui-même Mgr.Lefebvre affirmant que les nouvelles messes sont « une action périlleuse pour notre foi ou éventuellement sacrilège. […] Nous détournons les fidèles de ces messes qui, peu à peu, détruisent la foi du célébrant et des fidèles. […] La nouvelle messe, même dite avec piété et dans le respect des normes liturgiques, […] porte en elle un poison nuisible à la foi » (p12)

En conséquence, la FSSPX soutient que si aucune messe traditionnelle n’est disponible aux alentours, les fidèles sont dispensés de l’obligation d’assister à la messe le dimanche : « En lui-même, ce nouveau rite de la Messe constitue un danger pour les âmes. […] L’Église ne peut pas demander à ses membres de mettre leur foi en danger. C’est la raison pour laquelle les catholiques ne sont pas obligés d’assister à la nouvelle messe pour accomplir le précepte dominical. En fait, pour ceux qui connaissent ses problèmes inhérents, la nouvelle messe doit être complètement évitée, car ils comprennent qu’elle est aussi une offense à Dieu. Lorsqu’une messe traditionnelle n’est pas disponible, ou lorsque la foi est mise en danger par la prédication ou les opinions du prêtre, on est dispensé d’assister à la messe un dimanche ou un jour saint. »4

La prémisse 2 est donc hors de doute. Elle n’a pas été contestée par l’abbé Gleize, qui signe et persiste sans grande surprise dans son adhésion à cette position.

Le cœur du débat se joue donc au niveau de la prémisse 1 que monsieur l’abbé se retrouve obligé de contester pour éviter la conclusion hérétique du syllogisme. Ainsi, ce dernier prétend que notre Église catholique indéfectible a de facto promulgué universellement une liturgie qui, lorsqu’elle est bien célébrée (avec piété, révérence et respect des rubriques) est intrinsèquement mauvaise et que celle-ci porte en elle-même un « poison nuisible à la foi ». C’est précisément là qu’est notre désaccord : je maintiens qu’il est impossible que l’Épouse mystique de Notre Seigneur Jésus-Christ, puisse faire cela sans remettre en cause son indéfectibilité. Monsieur l’abbé conteste : « Matthieu Lavagna croit pouvoir se contenter d’une argumentation réductrice. «  Il est théologiquement impossible que  » … répète-t-il à l’envi. » (p.9). Ici, notre contradicteur fait comme si je n’avais donné aucun argument pour défendre cette position. Or cela est parfaitement faux ! Dans ma présentation initiale j’avais défendu cette prémisse en faisant référence à des textes du magistère que monsieur l’abbé à soigneusement passé sous silence dans sa réponse à mon argumentation. Voici les trois textes en question :

 « Par la généralité des expressions, le synode comprend et soumet à l’examen, qu’il prescrit, même la discipline constituée et approuvée par l’Église, comme si l’Église, dirigée par l’Esprit de Dieu, pouvait établir une discipline […] dangereuse, nuisible[…] Cette proposition est fausse, téméraire, scandaleuse, pernicieuse, offensive des oreilles pies, injurieuse pour l’Église et pour l’Esprit de Dieu par qui elle est conduite, et erronée pour le moins. » (Pie VI, Bulle Auctorem Fidei n°78)

« Ce serait donc un attentat, une dérogation formelle au respect que méritent les lois ecclésiastiques, de blâmer, […] la discipline que l’Église a consacrée, qui règle l’administration des choses saintes et la conduite des fidèles, qui détermine les droits de l’Église et les obligations de ses ministres, de la dire ennemie des principes certains du droit naturel, incapable d’agir par son imperfection même, ou soumise à l’autorité civile. » (Le Pape Grégoire XVI, encyclique Mirari Vos)

De même dans Mediator Dei, Pie XII affirme que les rites liturgiques promulgués par l’Église sont dignes d’être honorés et respectés : « Il faut juger de même des efforts de certains pour remettre en usage d’anciens rites et cérémonies. Sans doute, la liturgie de l’antiquité est-elle digne de vénération ; pourtant, un usage ancien ne doit pas être considéré, à raison de son seul parfum d’antiquité, comme plus convenable et meilleur, soit en lui-même, soit quant à ses effets et aux conditions nouvelles des temps et des choses. Les rites liturgiques plus récents eux aussi, sont dignes d’être honorés et observés, puisqu’ils sont nés sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, qui assiste l’Église à toutes les époques jusqu’à la consommation des siècles ; et ils font partie du trésor dont se sert l’insigne Épouse du Christ pour provoquer et procurer la sainteté des hommes. » (Pie XII Mediator Dei 1947)

En conséquence le magistère enseigne bien que l’Église catholique ne peut pas promulguer des rites liturgiques intrinsèquement mauvais qui seraient en eux même des « poisons nuisibles à la foi ». Ils peuvent l’être per accidens si le prêtre n’est pas fidèle au respect des rubriques, mais ils ne le sont pas per se. Je maintiens donc, à la lumière des enseignements de l’Église et des manuels de théologie, que l’Église ne peut pas promulguer une liturgie qui, lorsqu’elle est bien célébrée, est intrinsèquement mauvaise et dangereuse pour le salut des âmes.

Mauvaises représentations de ma position sur la messe Paul VI

Il est à noter que dans son article, monsieur l’abbé s’est attaqué à des épouvantails à plusieurs reprises. Par exemple, ce dernier m’attribue l’argument suivant : « En remettant en cause, comme elle le fait, le bien-fondé de la réforme liturgique de Paul VI, la FSSPX nierait l’indéfectibilité de l’Église. » (p.11)

Ce n’est pas exactement ce que je dis. En théorie on pourrait « remettre en cause le bien-fondé de la réforme liturgique » (dire que cette réforme était inopportune, qu’elle n’aurait pas dû avoir lieu et critiquer respectueusement certains aspects du missel de 1970), sans nier l’indéfectibilité de l’Église. Une critique constructive du missel est possible dans la mesure où elle ne tombe pas dans la position extrême consistant à soutenir que celui-ci est intrinsèquement mauvais, qu’il est un poison pour les âmes, que les sacrements qui en sont issus sont des sacrements « bâtards » douteusement valides ! Comme je le signale dans la vidéo, il possible de faire une critique constructive du Missel en vue de son amélioration sur certains points. Soutenir qu’un missel est meilleur qu’un autre sur tel ou tel point ou que telle liturgie comporte telle ou telle déficience ou omission critiquable n’est pas incompatible avec l’indéfectibilité de l’Église.5 Ma position est donc plus nuancée que celle que me prête à tort monsieur l’abbé.

Autre mauvaise représentation de ma position : « Matthieu Lavagna donne même six conseils pour « améliorer les messes Paul VI  ». Pourquoi donc la messe de Paul VI serait-elle passible d’une critique, même respectueuse et nuancée, voire d’une amélioration, si sa promulgation universelle faisait l’objet d’un acte infaillible du Magistère suprême ? »

Premièrement je n’ai jamais soutenu que la promulgation de la messe Paul VI est « un acte infaillible du magistère suprême ». Il semble que l’abbé Gleize se méprenne sur ma position : à aucun moment dans ma présentation je ne parle d’infaillibilité ou de magistère suprême ! Deuxièmement, le fait qu’une liturgie ne soit pas intrinsèquement mauvaise ne signifie pas qu’elle n’est pas améliorable. En toute rigueur on peut soutenir qu’une liturgie A est meilleure qu’une liturgie B sans pour autant soutenir que la liturgie B est intrinsèquement mauvaise, intrinsèquement illicite ou qu’elle « porte en elle-même un poison nuisible à la foi »! La réalité n’est donc pas binaire : le fait que l’Église promulgue une liturgie X ne signifie pas que X soit absolument parfaite et irréprochable en tous points ! Une fois cette distinction bien comprise on comprend que l’objection est sans fondement.

Restitution défectueuse de mon argument

Revenons à la question de l’indéfectibilité de l’Église. Voici comment monsieur l’abbé tente de représenter ma position : « Reprenons tout d’abord l’argument fondamental développé par notre contradicteur : tout repose, selon lui, sur l’idée que l’attitude de la Fraternité Saint Pie X nie l’indéfectibilité de l’Église, parce qu’elle affirme la défaillance des actes de l’autorité hiérarchique, depuis Vatican II, puisque ces actes mettent en péril la foi catholique. Autrement dit : admettre la défaillance des actes de l’autorité dans l’Église est nier l’indéfectibilité de l’Église. […]  La réponse consiste à faire la distinction entre affirmer la défaillance de principe de tous les actes de l’autorité et affirmer la défaillance de fait de quelques actes de cette autorité. Autrement dit : admettre la défaillance de quelques actes de l’autorité dans l’Église n’est pas nier l’indéfectibilité de l’Église » (p.10)

Encore une fois, Monsieur l’abbé représente mal ma position. Je n’affirme pas qu’admettre la défaillance de certains actes de l’autorité de l’Église impliquerait en soi de nier son indéfectibilité. En théorie on peut tout à fait soutenir que l’autorité peut poser des actes mauvais en eux-mêmes, sans nier l’indéfectibilité. Dire que certains actes ou certaines décisions papales ont été mauvaises, inopportunes, voire franchement choquantes6 est parfaitement compatible avec la position selon laquelle un pape ne puisse pas promulguer une liturgie intrinsèquement mauvaise pour l’Église universelle. Ainsi nous sommes tout à fait d’accord avec la conclusion de l’abbé Gleize « affirmer que l’Église est indéfectible ne doit pas conduire à nier que, dans les faits, les hommes revêtus de l’autorité dans l’Église puissent ne pas se montrer à la hauteur de leur tâche, voire défaillir, en certains de leurs actes. » (p.10). Personne n’a jamais prétendu le contraire ! La réponse est donc hors sujet car elle ne réfute pas directement ma prémisse initiale.

Réponse à trois objections historiques

L’abbé Gleize énumère trois exemples historiques où l’Église aurait, selon lui, défailli dans ses actes d’autorité. Le premier exemple invoqué est celui de la crise arienne où le Pape Libère a condamné Athanase.Nous répondrons ici que le fait que Libère ait condamné Athanase sous la pression, voire les sévices, et l’exil forcé, était certes une faute morale lâche, qui a certainement favorisé la prolifération de l’hérésie, mais il ne s’agissait pas de la promulgation d’une fausse doctrine adressée à l’Église universelle. Ce pape n’a d’ailleurs jamais soutenu l’arianisme.7

Le deuxième exemple proposé par notre abbé est celui d’Honorius Ier qui aurait professé l’hérésie monothélite dans une lettre adressée au Patriarche Serge de Constantinople et qui fut condamné comme hérétique au 3e concile de Constantinople. Ici nous répondons que même en admettant qu’il eût enseigné le monothélisme, cet enseignement se trouvait dans une lettre particulière et non pas dans le cadre de son magistère. Honorius n’a donc jamais promu un enseignement hérétique adressé à l’Eglise universelle. De plus, une étude historique approfondie de la question montre qu’il est possible d’interpréter la formule ambiguë d’Honorius dans un sens orthodoxe (c’est-à-dire non monothélite).8

Enfin l’abbé Gleize nous propose un troisième et dernier exemple, « le décret Haec sancta Synodus qui reconnaît comme doctrine officielle de l’Église les théories de Jean Gerson et Pierre d’Ailly. D’après ces thèses, le concile tient son pouvoir immédiatement du Christ ; il est sujet juridique d’actes collégiaux ; il est supérieur au Pape. Cette doctrine ainsi officialisée remettait en cause le droit divin et révélé de la souveraineté pontificale, et sera anathématisée comme hérésie lors du concile Vatican I, en 1870. »

En réponse, nous dirons que ce décret n’a peut-être pas été entériné comme décret de concile œcuménique par le pape Martin V, qui a approuvé seulement une partie de ces décrets.9 Le Denzinger- explique (p. 1151) : « La question de savoir dans quelle mesure il en a confirmé les décrets est discutée. » Par conséquent, on ne peut pas tenir la condamnation exprimée dans la 5e session comme une définition des enseignements conciliaristes d’Ailly et Gerson. De plus, ce qui a été anathématisé à Vatican I est seulement que le concile (tous les évêques face au pape, mais même avec le pape) est supérieur au pape. Vatican I n’a pas condamné l’idée que le concile tiendrait sa juridiction directement du Christ (seule sa convocation et sa confirmation dépendent du pape comme condition sine qua non), ni qu’il serait le sujet d’actes collégiaux (sauf si on entend par « concile » tous les évêques, sans le pape, car alors le collège n’existe ni comme collège, ni comme sujet d’actes collégiaux).

Ainsi les trois exemples historiques de l’abbé Gleize ne montrent aucunement que l’Église peut promulguer universellement une liturgie intrinsèquement mauvaise et dangereuse pour le salut des âmes.

Assister à une messe Paul VI, un péché mortel ?

Revenons à présent à notre dispute liturgique. Voici un autre argument déployé dans ma vidéo que monsieur l’abbé a complètement éludé dans sa réponse. Ledit argument affirmait en substance :

  1. Il est théologiquement impossible qu’une Église indéfectible puisse promulguer une liturgie dont l’assistance active et pleinement consciente à celle-ci serait un péché mortel.
  2. Or la FSSPX affirme possible que la participation active et pleinement consciente à une liturgie de la messe Paul VI soit en soi un péché mortel.
  3. Donc les positions de la FSSPX conduisent logiquement à nier l’indéfectibilité de l’Église.

La prémisse 1 est une évidence. Si l’Église peut promulguer une liturgie qui, lorsqu’elle est bien célébrée, offense Dieu au point que la participation active et pleinement consciente à celle-ci serait un péché mortel, c’est que l’Église a tout simplement failli à sa mission de mener les âmes vers le ciel et donc qu’elle n’est pas indéfectible. L’Église ne peut donc tout simplement pas promulguer des rites qui mènent ses fidèles vers l’enfer.

La prémisse 2 est directement attestée par le petit catéchisme de la nouvelle messe que l’on retrouve sur le site officiel de la FSSPX : « Est-ce à dire que tous ceux qui célèbrent ou assistent activement à la nouvelle messe commettent un péché mortel ?[…] ceux qui savent que la nouvelle messe comporte une profession de foi ambiguë (ou qui s’en doutent sérieusement et ne font rien pour lever le doute) commettent un péché contre la vertu de foi, qui pourra être mortel s’il y a pleine advertance et plein consentement. »10

Cela rejoint la position de Mgr. Lefebvre qui disait lui-même : « La nouvelle messe conduit au péché contre la foi, et c’est un des péchés les plus graves, les plus dangereux (.)[.. ]. Je pense que le danger devient grave et par conséquent devient sujet d’un péché grave par la répétition. (…) Le péché devient grave si une personne consciente et avertie y va quand même régulièrement […]. »11

Dans sa réponse à l’abbé Horovitz, l’abbé Gleize confirme lui-même qu’un prêtre qui célèbre une messe Paul VI pour le salut de dix âmes prendrait le risque de se mettre lui-même en enfer : « Comment refuser de célébrer la messe de Paul VI, alors que cette célébration pourrait éviter à 10 personnes d’aller en enfer ? A cette pétition de principe, que répondre ? Si la messe de Paul VI est bonne et sanctifiante, certes oui la célébration en sera salutaire. Si elle ne l’est pas, ce seront 11 personnes qui iront en Enfer. Il conviendrait donc de sortir du doute, et de réserver sa conduite. »12

Ainsi notre contradicteur affirme noir sur blanc qu’un prêtre voulant célébrer une messe pour sauver 10 âmes se mettrait lui-même en enfer pour avoir célébré en Paul VI ! Dont acte. Admirez la merveilleuse théologie d’Écône : les prêtres peuvent se damner pour le simple motif qu’ils ont célébré des messes approuvées par l’Église universelle depuis 55 ans !

L’Église peut-elle promulguer une messe douteusement valide ?

Il reste une question de grande importance. Dans son article monsieur l’abbé reprend la position habituelle de la FSSPX affirmant que la nouvelle messe serait douteusement valide : « Il ne suffit donc pas de vérifier la présence des paroles de la consécration dans le nouveau rite du Missel de Paul VI pour en conclure que ce rite sera toujours valide par lui-même. » (p.6).

On retrouve aussi cette posture dans le petit catéchisme de la nouvelle messe qui affirme : « La nouvelle messe n’est pas bonne, parce qu’elle est douteusement valide et certainement illicite. »13

Cette position n’est pas surprenante puisque c’était celle défendue par Mgr. Lefebvre. Dans son homélie de la messe de Lille en 1976, ce dernier avait affirmé: « Le rite de la nouvelle messe est un rite bâtard. Les sacrements sont des sacrements bâtards. Nous ne savons plus si ce sont des sacrements qui donnent la grâce ou qui ne la donnent pas. Nous ne savons plus si cette messe nous donne le Corps et le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ ou si elle ne les donne pas. »14

Ici, il importe de rappeler qu’il appartient à l’Église seule de déterminer ce qui est requis pour la validité de la messe, pas à des prêtres ou des évêques lambdas. Comme le signale le code de droit canonique : « Les sacrements étant les mêmes pour l’Église tout entière et faisant partie du dépôt divin, il revient à la seule autorité suprême de l’Église d’approuver ou de déterminer ce qui est requis pour leur validité »(Can. 841). 

D’un point de vue purement théologique, nous répondrons aussi qu’il est en principe impossible que notre Église catholique indéfectible puisse promulguer universellement des sacrements bâtards ou un rite liturgique douteusement valide puisque cela reviendrait à dire que l’Église pourrait inciter ses fidèles à commettre le sacrilège de l’idolâtrie (adorer un morceau de pain, comme si c’était le véritable corps de Notre Seigneur Jésus Christ). Or l’Église catholique, épouse mystique du Christ est bien évidemment incapable d’inciter les fidèles à l’idolâtrie sacrilège. Conclusion : l’Église catholique ne peut pas promulguer un rite liturgique douteusement valide. Au passage, les miracles eucharistiques postconciliaires bien attestés démontrent sans l’ombre d’un doute que la présence réelle a bien lieu dans les messes Paul VI.15 La position de la FSSPX est donc irrationnelle, contraire aux enseignements de l’Église et à une saine compréhension de l’ecclésiologie catholique traditionnelle.

Tous les sacrements potentiellement invalides ?

Mais l’abbé Gleize ne s’arrête pas en si bon chemin. Non seulement il affirme que la messe Paul VI est douteusement valide mais il reprend aussi (sans grande surprise) la position de Mgr.Lefebvre qui affirmait que cette potentielle invalidité s’étendrait à presque tous les sacrements conciliaires.16 L’abbé Gleize confirme lui-même que le doute sur la validité est « causé non par le modernisme des évêques et des prêtres mais par le modernisme des nouveaux rites et des nouveaux sacrements. C’est ainsi qu’il faut comprendre ce qu’a dit Mgr Lefebvre lors de la cérémonie des sacres du 30 juin 1988. Parlant des évêques conciliaires, il a déclaré que leurs sacrements « sont tous douteux » et la raison qu’il en a donnée est que « l’on ne sait pas exactement quelles sont leurs intentions ». Précisément, leurs intentions sont douteuses dans la mesure exacte où les nouveaux rites réformés par Paul VI sont douteux. Nous savons qu’il y a un doute, concernant la validité, pour les deux sacrements de l’extrême-onction et de la confirmation, en raison de la matière. Il y a aussi un doute pour le sacrement de l’eucharistie, pour la messe, en raison de l’ambiguïté du nouveau rite, qui peut fausser l’intention du célébrant. Quant au sacrement de l’ordre, la problématique, s’il en est une, est analogue à celle de la messe : on ne saurait juger de la validité qu’au cas par cas des célébrations concrètes »17

Tout cela n’est guère surprenant. L’abbé Gleize n’est pas un cas isolé dans la défense de ces positions radicales. La théorie selon laquelle la grande majorité des sacrements Paul VI seraient douteusement valides est abondamment confirmée dans les sources officielles de la FSSPX. Il suffit pour s’en convaincre de lire quelques articles sur La Porte Latine, site officiel du district de France, qui remet en question même la validité des ordinations des prêtres des communautés Ecclesia Dei (appelés péjorativement « ralliés ») : « on peut avoir un doute sur le sacerdoce de clercs ralliés qui ont été ordonnés par des évêques eux-mêmes douteusement sacrés en raison d’intentions équivoques et du nouveau rite des sacres épiscopaux (après 1968). Quant aux confirmations données dans les communautés ralliées, le doute de la validité se pose de surcroît relativement à la matière utilisée pour le Saint-Chrême. Si l’huile n’est pas de l’huile d’olive, comme cela est aujourd’hui autorisé et pratiqué, un doute demeure. »18

Mgr Tissier de Mallerais, décédé récemment, avouait lui aussi que les prêtres ordonnés par les évêques sacrés dans le rite de 1968 n’étaient probablement pas de vrais prêtres : « ce nouveau rite d’ordination n’est pas catholique. Et donc nous continuerons bien sûr fidèlement à transmettre le sacerdoce réel et valide, par le rite traditionnel de l’ordination sacerdotale »19

Autrement dit : en dehors de la FSSPX presque tous les sacrements sont douteusement valides (confession, eucharistie, confirmation, ordination sacerdotale et épiscopale) ! Comment monsieur l’abbé concilie-t-il cela avec l’indéfectibilité de l’Église ? Comment une Église indéfectible pourrait-elle laisser disparaître presque tous ses sacrements de manière quasi généralisée ? Dire cela est précisément contraire à ce qu’enseigne saint Pie X : « Le Sacerdoce catholique est nécessaire dans l’Église parce que, sans lui, les fidèles seraient privés du saint sacrifice de la Messe et de la plus grande partie des sacrements ; ils n’auraient personne pour les instruire dans la foi, ils resteraient comme des brebis sans pasteur à la merci des loups, en un mot l’Église n’existerait plus comme Jésus-Christ l’a instituée. […] Le Sacerdoce catholique, malgré la guerre que lui fait l’enfer, durera jusqu’à la fin des siècles, car Jésus-Christ a promis que les puissances de l’enfer ne prévaudraient jamais contre son Église. »20

Ainsi le magistère de l’Église enseigne que le maintien du sacerdoce à travers les temps est nécessaire à l’indéfectibilité de l’Église. Monsieur l’abbé objecterait sans doute que le sacerdoce et les sacrements existent toujours au sein de la FSSPX, mais cela reviendrait tout bonnement à affirmer que l’Église catholique ne subsiste aujourd’hui plus qu’à travers la FSSPX. En d’autres termes, l’Église catholique se réduirait à une seule et unique communauté ultra minoritaire dans le monde sans pouvoir de magistère et de gouvernement.

L’abbé Gleize est donc sûrement sincère lorsqu’il affirme ne pas remettre en cause l’indéfectibilité de l’Église tout en affirmant que depuis 1962 il n’y a plus eu d’authentiques exercices du magistère ou que tous les sacrements de l’Église latine sont douteux. En effet, nulle contradiction pour notre abbé à tenir une telle position, puisque selon lui c’est la FSSPX qui garantit, l’indéfectibilité de l’Église. : « N’est-ce pas ce qu’avait déjà déclaré Mgr Lefebvre, dans l’homélie qu’il prononça le jour des consécrations épiscopales à Ecône, le 30 juin 1988, pour rendre compte de sa conduite et justifier l’état de nécessité ? […] Et aujourd’hui, les réactions conjuguées d’un Mgr Schneider, d’un cardinal Burke, d’un Mgr Strickland, d’un Mgr Chaput n’auraient-elles pas de quoi donner encore raison, près de quarante après, à « l’opération survie » de la Tradition ? Opération survie qui devrait apparaître aux yeux de tous pour ce qu’elle est : la garantie de l’indéfectibilité de l’Église »21 « l’Église demeure indéfectible, à travers la courageuse résistance de tous ceux qui s’opposent aux réformes issues du Concile et s’en tiennent fermement « à tout ce qui a été cru […] jusqu’en 1962, avant l’influence néfaste du concile Vatican II ».22

Un silence flagrant sur les messes Ecclesia Dei

Le lecteur attentif aura noté que monsieur l’abbé a soigneusement (intentionnellement ?) omis de répondre à mon objection en ce qui concerne l’interdiction d’assister aux messes des communautés Ecclesia Dei ou autres messes diocésaines célébrant le missel de 1962 ou 1965. Il est en effet de notoriété publique que Mgr. Lefebvre disait de ne pas assister aux messes des « ralliés » ?23 On peut lire par exemple aujourd’hui des articles des prêtres de la FSSPX comme l’abbé Chautard, directeur de l’université saint Pie X : «on ne peut pas se rendre aux messes des ralliés, premièrement parce que l’assistance à la messe est une profession publique de la foi et que cette profession de foi est altérée par les ralliés, deuxièmement parce que l’assistance à la messe ralliée entraîne une relativisation des oppositions doctrinales, troisièmement parce qu’une telle assistance développe des contacts périlleux pour la foi. »24

Voici une question pour monsieur l’abbé Gleize : êtes-vous d’accord avec cette position étayée par votre confrère en accord avec Mgr Lefebvre? Peut-on refuser de se soumettre à l’obligation dominicale s’il n’y a pas de messes de la FSSPX disponible aux alentours le dimanche, mais seulement une messe de la FSSP, de l’IBP ou de l’ICRSP par exemple ? Êtes-vous d’accord avec les propos de votre confrère selon lesquels les ralliés sont des traîtres de la Tradition et que leur position conduit au schisme ? : « La position des ralliés conduit au schisme. Car le schisme consiste non seulement à refuser la primauté du pape mais à refuser la Tradition. Or, participer à cette démolition de la Tradition participe d’une attitude schismatique. »25

Il me semble que la FSSPX perd sa crédibilité intellectuelle avec des affirmations aussi extrêmes. Toute personne de bon sens voit que les communautés Ecclesia Dei ont voulu préserver la Tradition en maintenant la fidélité au Pape. Il est aberrant de les traiter ainsi et tout cela reflète l’esprit d’autocéphalie qui règne à la FSSPX.

On notera au passage que cette position extrême était précisément celle de Mgr.Lefebvre qui soutenait que tout ralliement à l’Église conciliaire était schismatique : « Cette Église conciliaire est une Église schismatique, parce qu’elle rompt avec l’Église catholique de toujours. Cette Église conciliaire est schismatique parce qu’elle a pris pour base de sa mise à jour des principes opposés à ceux de l’Église catholique. L’Église qui affirme de pareilles erreurs est à la fois schismatique et hérétique. Cette Église conciliaire n’est donc pas catholique. »26« Dans la mesure où le pape s’éloignerait de cette tradition, il deviendrait schismatique, il romprait avec l’Église. (…)  Tous ceux qui coopèrent à l’application de ce bouleversement acceptent et adhèrent à cette nouvelle église conciliaire et entrent dans le schisme. »27

Psychologisation de l’adversaire

Monsieur l’abbé affirme qu’en m’opposant à ces positions radicales, je serais « victime de la facilité, celle de la bonne conscience donnée par le Motu proprio Ecclesia Dei afflicta à tous ceux auxquels le Pape Jean-Paul II a voulu rappeler « le grave devoir qui est le leur de rester unis au Vicaire du Christ dans l’unité de l’Église catholique et de ne pas continuer à soutenir de quelque façon que ce soit ce mouvement [de Mgr Lefebvre] » (p.9)

Je pense effectivement que la soumission ordinaire au pontife romain est fondamentale dans une saine compréhension de l’ecclésiologie catholique traditionnelle. C’est d’ailleurs précisément ce qu’affirme le concile Vatican I dans Pastor Aeternus ainsi que la Bulle Unam Sanctam du Pape Boniface VIII : « il est absolument nécessaire au salut pour toute créature humaine d’être soumise au pontife romain ». Or, si Jean Paul II est vraiment le pontife Romain, alors il faut lui être soumis dans ses actes de gouvernement et assentir à son magistère de manière proportionnée au degré d’autorité engagé (ce qui n’implique pas qu’on ne puisse pas critiquer telle décision ou telle prise de parole ici et là). A moins de devenir sédévacantiste, cette conclusion s’impose à tout catholique fidèle au magistère. Au contraire Mgr Lefebvre affirmait: « La chaire de Pierre et les postes d’autorité de Rome étant occupés par des antichrists, la destruction du Règne de Notre Seigneur se poursuit rapidement à l’intérieur même de son Corps mystique ici-bas, spécialement par la corruption de la sainte Messe »28 « Rome a perdu la foi, mes chers amis. Rome est dans l’apostasie. Ce ne sont pas des paroles, ce ne sont pas des mots en l’air que je vous dis. C’est la vérité. Rome est dans l’apostasie. On ne peut plus avoir confiance dans ce monde-là, il a quitté l’église, Ils ont quitté l’Église.»29

Question pour l’abbé Gleize: Pourquoi rester en communion avec une Église apostate occupée par un antichrist ? Si l’Église conciliaire n’est pas l’Église catholique alors pourquoi reconnaître son chef comme le légitime successeur de Pierre ? Le sédévacantisme a au moins le mérite de la cohérence.

Bonus : quelques citations de Mgr Lefebvre incompatibles avec l’indéfectibilité de l’Église

Je terminerai cet article par quelques citations de Mgr Lefebvre, qui conduisent selon moi à nier l’indéfectibilité de l’Église :

« Ce concile représente, tant aux yeux des autorités romaines qu’aux nôtres, une nouvelle Église, qu’ils appellent d’ailleurs l’Église conciliaire (…) Nous croyons pouvoir affirmer, en nous en tenant à la critique interne et externe de Vatican II, c’est-à-dire en analysant les textes et en étudiant les avenants et aboutissants de ce concile, que celui-ci, tournant le dos à la tradition et rompant avec l’Église du passé, est un concile schismatique (…) Tous ceux qui coopèrent à l’application de ce bouleversement, acceptent et adhèrent à cette nouvelle Église conciliaire[…] entrent dans le schisme »30

« La situation de la papauté depuis Jean XXIII et ses successeurs pose des problèmes de plus en plus graves. […] Ils fondent une ecclésiologie nouvelle. Au lieu d’être les apôtres de l’ordre social chrétien par le Règne social de Notre-Seigneur, ces papes deviennent des partisans d’un socialisme ou d’un communisme de teinte chrétienne. […] Cette Église est-elle encore apostolique et encore catholique ? […] Devons-nous encore considérer ce pape [Jean Paul II] comme catholique ? »31

« C’est donc un devoir strict pour tout prêtre voulant demeurer catholique de se séparer de cette Église conciliaire tant qu’elle ne retrouvera pas la tradition du Magistère de l’Église et de la foi catholique» 32

« Le problème de la situation des fidèles et de la situation de la papauté actuelle rend caduques les difficultés de juridiction, de désobéissance et d’apostolicité, parce que ces notions supposent un pape catholique dans sa foi, dans son gouvernement. »33

« Cette Église conciliaire est une église schismatique, parce qu’elle rompt avec l’Église catholique de toujours. Cette Église conciliaire est schismatique parce qu’elle a pris pour base de sa mise à jour des principes opposés à ceux de l’Église catholique. L’Église qui affirme de pareilles erreurs est à la fois schismatique et hérétique. Cette Église conciliaire n’est donc pas catholique. »34« Dans la mesure où le pape s’éloignerait de cette tradition, il deviendrait schismatique, il romprait avec l’Église. (…)  Tous ceux qui coopèrent à l’application de ce bouleversement acceptent et adhèrent à cette nouvelle église conciliaire et entrent dans le schisme. »35

« Cette Église conciliaire est une Église schismatique parce qu’elle rompt avec l’Église catholique de toujours. Elle a ses nouveaux dogmes, son nouveau sacerdoce, ses nouvelles institutions, son nouveau culte déjà condamné par l’Église en maints documents officiels et définitifs. C’est pourquoi le fondateur de l’Église conciliaire insiste tant sur l’obéissance à l’Église d’aujourd’hui, faisant abstraction de l’Église d’hier comme si elle n’existait plus. Cette Église conciliaire est schismatique parce qu’elle a pris pour base de sa mise à jour des principes opposés à ceux de l’Église catholique. […] « Désormais, c’est à l’Église conciliaire qu’il faut obéir et être fidèle et non plus à l’Église catholique. C’est précisément tout notre problème ; nous sommes suspens a divinis par l’Église conciliaire et pour l’Église conciliaire dont nous ne voulons pas faire partie. »36

Ces propos mènent obligatoirement à nier l’indéfectibilité de l’Église. Pourquoi rester en communion avec une « Église schismatique » ? Comment un authentique successeur de Pierre peut-il diriger une Église schismatique ? Tout cela n’a aucun sens et implique une compréhension profondément déficiente de l’ecclésiologie catholique traditionnelle et des paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a promis que les portes de l’enfer ne prévaudraient pas contre son Église, en dépit des tempêtes.


  1. https://courrierderome.org/sites/default/files/CDR%20novembre%202024%20digital_0.pdf ↩︎
  2. Ici « dangereuse pour le salut des âmes » signifie « porte en elle-même un poison nuisible à la foi » ↩︎
  3. On pourra lire par exemple l’article intitulé: « Peut-on assister à la Nouvelle Messe ? » de l’abbé Philippe Toulza qui défend la thèse selon laquelle il est intrinsèquement illicite de participer activement à une messe Paul VI. L’article affirme : « expliquons pourquoi nous considérons qu’on ne peut ni célébrer, ni assister activement à la messe de Paul VI, que ce soit le dimanche ou en semaine. La raison de fond peut être résumée ainsi :(A) On ne peut pas célébrer la messe selon un rit non catholique, ni y assister. (B) Or la messe de Paul VI est un rit non catholique. (C) Donc on ne peut pas célébrer la messe de Paul VI, ni y assister. » Il poursuit affirmant : « ce n’est pas une messe catholique, ce qui la rend illicite. Car ce qui entoure le cœur de la messe n’est pas digne du culte catholique et constitue plus un danger qu’un profit pour les âmes. » ↩︎
  4. SSPX News English, Should catholics Attend the New Mass, Part II of II, Episode 15, Youtube https://www.youtube.com/watch?v=5hZrRGMs6CY&t=9s ↩︎
  5. « En matière de liturgie, comme en beaucoup d’autres domaines, il faut éviter à l’égard du passé deux attitudes excessives : un attachement aveugle et un mépris total. On trouve dans la liturgie des éléments immuables, un contenu sacré qui transcende le temps, mais aussi des éléments variables, transitoires, parfois même défectueux. » (Discours de Pie XII du 22 septembre 1956 aux membres du 1er congrès de liturgie pastorale)  ↩︎
  6. Comme le discours pastoral du Pape François lors de la déclaration interreligieuse de Singapour. ↩︎
  7. Sur ce sujet on pourra se réfèrer à Émile AMANN, art. « Libère », DTC (=Dictionnaire de théologie catholique) IX/1 (1926) et Roger AUBERT, art. « Libère », DHGE (Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques) XXXI (2015). Voir aussi https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/la-pretendue-chute-du-pape-libere-dans-larianisme/ ↩︎
  8.  L’accusation d’hérésie porte sur sa phrase « C’est pourquoi aussi nous confessons une volonté unique du Seigneur Jésus-Christ […] ». Mais Honorius précise après ce qu’il entend par cette affirmation« Il n’y avait point en [Jésus-Christ] cette autre loi des membres, ou bien une volonté différente [de celle de la divinité] ou [qui lui fût] opposée. » Nous comprenons par cette dernière phrase que ce que le pape entend par « volonté » est non pas la faculté d’un esprit à se porter vers telle ou telle chose, mais la tendance, au sein même de cette faculté humaine, à vouloir tantôt le bien, tantôt le mal (ce qu’Honorius appelle la « loi des membres »). Or de ce point de vue, il se trouve en effet qu’en Jésus-Christ, il y a unicité morale des volontés, toujours portées au seul bien, et en tout soumises à la volonté du Père. En conséquence Honorius ne nie pas l’existence de la faculté appelée volonté dans la nature humaine du Christ, mais l’existence d’une tendance au sein de cette volonté humaine qui le porterait à s’éloigner de la volonté divine. D’ailleurs, les témoins privilégiés de la pensée du pape, à savoir ses collaborateurs, sont intervenus pour défendre cette interprétation et son orthodoxie. Son successeur, le Pape Jean IV, qui s’était sans doute entretenu avec Honorius de son vivant affirmait dans la lettre Dominus qui dixit adressée à l’empereur byzantin Constantin III: « [Honorius] disait donc, dans son enseignement sur le mystère de l’Incarnation du Christ, qu’il n’a pas existé en lui, comme en nous pécheurs, deux volontés contraires, de l’esprit et de la chair. Ce que certains ont retourné en leur propre conception, pensant qu’il aurait enseigné une seule volonté de sa divinité et de son humanité, ce qui est à tout point de vue contraire à la vérité.». La condamnation d’Honorius comme hérétique par le Pape Léon II et le troisième concile de Constantinople était donc erronée dans les faits (les conciles ne sont pas infaillibles sur tous les faits historiques). De plus, dans l’antiquité, le terme hérétique était souvent attribué tant aux hérésiarques qu’à leurs complices (ceux qui n’avaient pas suffisamment combattu l’hérésie) qu’importe qu’ils fussent eux-mêmes de bonne foi, ou de mauvaise foi. C’est ainsi qu’au IIème concile de Constantinople, en 553, furent condamnés et anathématisés aussi bien Arius et Eutychès (véritables hérésiarques), que Théodore de Mopueste, Origène et Didyme l’aveugle, alors que ces trois derniers n’ont jamais eu l’intention de s’opposer formellement à l’Eglise catholique, à un concile antérieur, ou aux écrits des Pères. Voir l’étude approfondie https://archidiacre.wordpress.com/2020/09/02/honorius-ier-et-le-monothelisme/ ↩︎
  9. Voir l’article https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/le-concile-de-constance-a-t-il-nie-linfaillibilite-du-pape-et-sa-superiorite-sur-le-concile/ ↩︎
  10. https://laportelatine.org/formation/crise-Église/nouvelle-messe/petit-catechisme-de-la-nouvelle-messe ↩︎
  11. (Mgr Lefebvre, La messe de toujours, textes réunis par l’abbé Troadec, Clovis, 2005, p. 396–397). ↩︎
  12. https://laportelatine.org/formation/crise-Église/depuis-saint-pierre-de-chaillot ↩︎
  13. https://laportelatine.org/formation/crise-Église/nouvelle-messe/petit-catechisme-de-la-nouvelle-messe Abbé Daniel Di sorco ↩︎
  14. Homélie de Mgr. Lefebvre, Messe de Lille 29 aout 1976 ↩︎
  15. Voir l’excellent livre de Franco Serafini, A cardiologist examines Jesus, 2021 qui analyse minutieusement les cas des miracles de Buenos Aires (1996) Sokolka (2008), Titxtla (2008) et  Legnica (2013). ↩︎
  16. Dans une Homélie prononcée le 30 juin 1988 à Ecône, lors de la consécration épiscopale Mgr Lefebvre parlait « Des évêques conciliaires, dont les sacrements sont tous douteux, parce qu’on ne sait pas exactement quelles sont leurs intentions. » ↩︎
  17. Abbé Gleize, Courirer de Rome mars 2023, « Tous douteux III » ↩︎
  18. https://laportelatine.org/wp-content/uploads/2020/05/Chardonnet340_1807_08_09.pdf ↩︎
  19. https://laportelatine.org/spiritualite/sermons/sermon-de-mgr-tissier-de-mallerais-le-29-juin-2016-a-econe ↩︎
  20. Catéchisme de saint Pie X, 1905, Part. 5, chap. 8 ↩︎
  21. (https://laportelatine.org/actualite/la-neo-pastorale-de-francois-iii) ↩︎
  22. Courrier de Rome, article : « 21 novembre », n°678 sept 2024 ↩︎
  23. « Ils disent aussi : la messe est bien, nous y allons. Oui, il y a la messe. Elle est bien, mais il y a aussi le sermon ; il y a l’ambiance, les conversations, les contacts avant et après, qui font que tout doucement on change d’idées. C’est donc un danger et c’est pourquoi d’une manière générale j’estime que cela fait un tout. On ne va pas seulement à la messe, on fréquente un milieu. Il y a évidemment des gens qui sont attirés par les belles cérémonies qui vont aussi à Fontgombault, où l’on a repris la messe ancienne. Ils se trouvent dans un climat d’ambiguïté qui à mon sens est dangereux. Dès lors que l’on se trouve dans cette ambiance, soumis au Vatican, soumis en définitive au Concile, on finit par devenir œcuméniste. » Entretien exclusif avec Mgr Marcel Lefebvre – Fideliter n° 79 de janvier-février 1991 ↩︎
  24. Source: Catéchisme des vérités opportunes : Les ralliés (vus par Mgr Lefebvre) Par l’abbé François-Marie Chautard, Le Chardonnet 340 ) https://laportelatine.org/wp-content/uploads/2020/05/Chardonnet340_1807_08_09.pdf ↩︎
  25. Catéchisme des vérités opportunes : Les ralliés (vus par Mgr Lefebvre) Par l’abbé François-Marie Chautard, Le Chardonnet 340 ) https://laportelatine.org/wp-content/uploads/2020/05/Chardonnet340_1807_08_09.pdf ↩︎
  26. Réflexions, 29 juillet 1976, Itinéraires, La condamnation sauvage, n°40 ↩︎
  27. Mgr Lefebvre, interview au Figaro du 02 août 1976 ↩︎
  28. Lettre du 29 août 1987 de Mgr Lefebvre aux futurs évêques de la FSSPX ↩︎
  29. Rome est dans l’apostasie – Conférence de Mgr Lefebvre lors de la retraite des prêtres de la Fraternité SaintPie-X du 4 septembre 1987» ↩︎
  30. Déclaration de Mgr Lefebvre, 4 août 1976.Le Figaro, mercredi 4 août 1976. « La Condamnation Sauvage de Mgr Lefebvre ». Le Sel de la terre, N° 18, page 217. ↩︎
  31. Bernard Tissier de Mellerais, Mgr.Lefebvre, Une vie, deuxième édition corrigée, Clovis, 2003, p. 569. ↩︎
  32. Mgr. Lefebvre, Itinéraire Spirituel, Éditions Iris, 2010, p. 40. ↩︎
  33. Note de Mgr. Lefebvre sur l’étude de l’abbé Bisig, Novembre 1983 ; Fideliter n123, p.29 ↩︎
  34. Réflexions, 29 juillet 1976, Itinéraires, La condamnation sauvage, n°40 ↩︎
  35. Mgr Lefebvre, interview au Figaro du 02 août 1976 ↩︎
  36. Réflexions de Mgr.Lefebvre à propos de la suspens a divinis le 29 Juillet 1976 ↩︎

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